dimanche 2 mai 2010

AnaCo 1 - Vaut-il mieux être zèbre ou haridelle ? - Zwartzustersstraat

Didier de Lannoy
La vie au taux du jour
Dépêches de l'agence de presse privée Ana et le Congo (AnaCo) - Série 1
Première compil de dépêches (déchaussées, divagantes, yoyotantes) de l’agence de presse privée AnaCo : dépêches (littérature « immédiate », sketches interactifs, croquis à la carte ou dazibaos bringues-zingues-dingues, que sais-je…) dont certaines ont déjà été placardées sur internet ou spammées sur Outlook… dans lesquelles je m’autorise à exercer, en toute liberté, mon droit de citoyen de me mêler de n’importe quoi… et surtout d’ « affaires » dont on m’a bien fait comprendre que je n’y connaissais rien et qu’elles ne me concernaient pas du tout… et que j’avais plutôt intérêt à fermer ma grande gueule.
Nassogne (Badja), Matonge (Bruxelles), 2006-2007
Extraits - En vrac



Sur l'agnace AnaCo, voir aussi:
http://anaco2.blogspot.com/

et
http://anaco3.over-blog.net/

Sur le Congo, voir aussi (notamment):




Trente-six heures sans pouvoir lire le journal


Je passe aux

- Oui, j’avoue, j’ai vu une femme blette, aveugle, vêtue de blanc comme une infirmière, tripoter les fesses malingres et les tétons secs de gamines immatures dans une mare aux canards (ou aux cochons) des environs de Lourdes et leur faire des propositions malhonnêtes en patois Bigourdan !

aveux après trente-six heures de garde à vue. Sans boire, sans damer, sans dormir, sans même

- On ne peut même pas lire le journal quand on est en garde à vue !

lire le journal. Trente-six heures de garde à vue et des interrogatoires musclés.


Le soleil était d’humeur maussade


Aujourd’hui, réveillé plus tôt que d’habitude, le soleil est d’humeur maussade.

Le gaillard dormait tranquillement dans sa mansarde lorsque, vers quatre heures du matin, un vieux coq alcoolique, consommateur de vodka frelatée (allongée à l’eau de Cologne, à l’antiseptique, au dissolvant, à l’antigel ou au liquide de frein), surnommé « Papa Colonel », s’est mis à ricaner et à sarcasmer

- Moi, j’attrape le cancer le week-end et en soirée ! Rarement pendant la semaine, en matinée ou en soirée ! Jamais quand je dors ou que je prends une douche !

et à cracher ses poumons et à vider ses intestins et sa vessie et son estomac dans les chiottes communes du dernier niveau de l’immeuble, l’étage des

- Les abeilles domestiques (fières d’être serviles) ne dorment pas dans la rue et ne se mêlent pas aux abeilles sauvages !

domestiques.


Le soleil se lève et

- On dit que, chaque soir, le soleil s’oblige à coucher avec une personne différente. Pour garder la forme.

se couche n’importe où. A Bruxelles et ailleurs. Sur des décharges publiques et sur des bidonvilles. Dans le quartier du Sportpaleis, à Anvers. Sur une voiture abandonnée, portes ouvertes, près du métro Bockstael. A une cinquantaire de mètres du commissariat de la rue Georges Rodenbach. Sur les tombes (recouvertes d’inscriptions nazies) du carré musulman du cimetière Notre-Dame-de-Lorette, près d’Arras. Au carrefour Léonard. Sur l’île de Man, dans la mer d’Irlande. A proximité (Marché au charbon, la Bourse, Boulevard Anspach) du quartier « holebi » du centre-ville.


Vaut-il mieux être zèbre ou haridelle ?


Au royaume des zèbres libres et des gnous butés, ce sont les lions

- Les lions bâillent, jappent, aboient, pètent ! Ils attendent les pluies en se reposant ! Ils surveillent tous les mouvements des troupeaux de bonne viande !

et les crocodiles qui semblent dominer. Les pileux régissent la savane et les squameux gouvernent les rivières.

Tous deux ont une grande gueule et puent du bec.

Certes, par leur force et leur bagout, les lions

- Oui, mais les lionnes sont obligées quelquefois de cacher leurs petits sous le couvert des acacias…

- Et pourquoi ça ?

- Parce que les hyènes rôdent et qu’elles n’ont aucun respect pour les enfants de la classe dirigeante…

et les crocodiles dominent mais, par leur nombre, les zèbres et les gnous l’emportent et finissent toujours par traverser la savane et par franchir les rivières.


Tandis que, dans la brousse brabançonne, gaumaise ou ardennaise, les bœufs et les chevaux esclaves (la tête basse mais les oreilles tendues) savent qu’ils ne seront pas bouffés aussi longtemps qu’ils seront jeunes et vigoureux et, en attendant de finir sur une table de cuisine ou de salle à manger, écoutent

- A quels agitateurs font-ils rapport ? De quelle organisation d’insurgés épousent-ils la cause ?

tout ce que disent leurs maîtres charretiers et

- Ça nettoie les poumons !

crachent dans les caniveaux et pissent dans les avaloirs pour marquer leur territoire… en écartant les jambes… comme des girafes venues s’abreuver dans une mare.


Pour ou contre le sida ?


Nous nous rencontrons à une soirée pour les enfants et (ou contre ?) le sida. Nous sympathisons rapidement. Nous convenons de manger un bout ensemble. Elle

- Puis-je vous embêter, Madame Mathilde, vous qui aimez tant les enfants, le sida et les photographes ?

- Embête ta femme, connard, et laisse la meuf des autres tranquille ! Moi j’aime les attractions foraines qui me retournent l’estomac, me pressent le foie, me trouent le cœur et me font pisser dans ma culotte ! Es-tu une attraction foraine ?

attend (sur la jetée, le quai, le tarmac ou le trottoir, à l’arrêt de l’autobus ou à la station de taxi, au pied de l’ascenseur ou de l’escalier, devant la porte d’entrée) de voir ce que je veux exactement avant d’accepter mon offre. Ma chambre d’hôtel

- Mon hôtel est découvert de fleurs et de guirlandes ! Le sol de ma chambre est tapissé de nattes sur lesquelles nous nous étendrons !

se trouve à cinq minutes du snack.

Nous nous asseyons sur mon foutoir et parcourons affectueusement de larges extraits du Coran et feuilletons

- Bon, on se tape encore une Sourate ou un Psaume ou un verset de l’Exode ou du Lévitique ?

- Oh non, pitié ! J’ai mon métro à prendre ! Mes enfants chialeurs m’attendent à la maison ! Mon mai jaloux va me donner un coup de poing et me casser le nez !

amoureusement la Bible. Et

- Il faut encore que je descende à la station Stuyvenberg et que je franchisse la grille d’enceinte du parc sans trop me faire remarquer ! Et que je rentre au palais, par derrière, en crochetant la porte de la cave avec des couverts ou un vieux cintre !

érotiquement la Torah ?

- On n’en a pas eu le temps, ce sera pour une prochaine fois !


Attaché par les pieds à un réverbère


Depuis que je suis à la retraite, Ursula Andress, reine d’Angleterre, ne fête plus son soixante-dixième (ou le quatre-vingtième ?) anniversaire dans

- Deux mille cinq cents personnes seront invitées à assister à une cérémonie religieuse !

la cathédrale Saint-Paul mais dans

- Il y aura un orchestre, des échassiers et un magicien !

le port d’Edimbourg, à bord du Britannia qui, dans

le temps, appartenait à

- Elle sera coiffée d’un chapeau rose et elle portera un tailleur vert pâle avec un sac et des chaussures assortis !

Lilibet.


Et moi, depuis que je suis à la retraite (les décorations retirées, le badge désactivé, le portable de fonction restitué au service de l’Economat), j’éprouve des difficultés à pisser dans

mes chaussures.

Surtout lorsque je suis attaché par les pieds à un réverbère.


Judith.


Mais qu’est-ce qu’Holopherne a bien pu lui faire ou ne pas lui faire à cette gamine pour qu’elle prenne ainsi la mouche ?



Une corde à sauter fait mieux l’affaire


On commence par une hostie. Puis on passe au deha, au masanga ya mbila, à la chicha, au tchoukoutou, à la bière de houblon, au vin de raisin, au lotoko, au sodabi (à la colle, au joint, à la coke). On devient accro. On devient schizo. On a des apparitions (le regard vide). On a des auditions (les yeux mi-clos). On accède au monde des ancêtres (on frappe le sol avec un pilon pour avertir les ancêtres que la fête a commencé) et des esprits (on danse avec des cloches et des sabots de bois pour inviter les esprits à se joindre aux vivants) et on finit par se pendre à une croix.

On ne se

- Vous n’êtes pas pendable !

pend pas confortablement

- Mieux vaut se pendre à une croix en bois, c’est moins chaud, plus confortable et moins risqué qu’une croix en métal, surtout par temps d’orage !

à une croix avec une lance d’incendie ou un tuyau d’arrosage.

Une corde à sauter fait beaucoup mieux l’affaire.


Les pigeons


La température ne cesse de monter. La planète se réchauffe. L’eau se raréfie. Les rivières sont à sec. Les sources s’enterrent. Les nappes phréatiques sont au plus bas. Les puits doivent être creusés de plus en plus profondément. Les déserts

- Le chômage, la famine, les maladies ! Comment se fait-il que vous soyez encore en vie ?

avancent.

Fuyant les régions au climat trop aride, les plantes et les animaux émigrent vers le nord ou vers les hauteurs.

Les hommes quittent leurs femmes, leurs parents, leurs enfants, leurs villages et

fuyent vers les cités, les villes, les métropoles et

marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent, marchent en direction des ports et des côtes et

traversent le désert du Mexique et le désert d'Arabie et le Sahara et les déserts d'Asie centrale et

affrontent les mers et

- Barça ou Barsakh ! Inch Allah !

- Barcelone ou la mort ?

- Barcelone ou le Paradis ! La vie est devenue tellement chienne qu’en prenant place dans une pirogue, on s’en sort toujours mieux qu’en restant chez soi, avec sa famille, dans son village, à n’attendre, n’attendre, n’attendre, n’attendre, n’attendre plus jamais rien ! Barcelone ou le dernier voyage ! On est toujours gagnant ! Soit on accède à la terre promise, soit on va directement au Paradis ! On ne peut pas perdre !

les océans et

gagnent les pays rêvés


On estime aujourd’hui à plusieurs millions le nombre de pigeons qui se sont installés, clandestinement, dans nos pays.

Nos villes sont, aujourd’hui, infestées et parasitées par

des pigeons infestés et parasités par

des tiques et des moustiques infestés et parasités par

des acariens...

La fécondité et l’appétit sexuel de toutes ces populations nouvelles sont tels que leur présence constitue, à terme, une véritable menace pour les populations indigènes.

La solution à ce problème doit venir du citoyen.

Empêchons donc les pigeons clandestins

- On les reconnaît très facilement, ils ne portent pas de bague !

de s’installer chez nous ! Obstruons les fenêtres et les soupiraux ! Tendons des filets ! Plaçons des piques ou des barbelés pour les empêcher de se poser ! Abaissons des herses !

Ne logeons pas (dans nos caves et sous nos combles) les pigeons sans-papiers !

Ne leur donnons pas de travail !

Ne les épousons pas !

Ne leur ouvrons pas nos écoles !

Refusons-leur l’accès

- Ils véhiculent toutes sortes de parasites, des germes et des tiques molles ! Ils transportent un champignon qui se niche dans les poumons et peut engendrer des méningites !

de nos hôpitaux !

Et, surtout

- Le nourrissage des pigeons provoque des regroupements !

ne les nourrissons pas ! Evitons particulièrement (sans pour autant vouloir les affamer) de leur donner du pain ! Le pain est mauvais pour la santé des pigeons issus de l’immigration (dégénérescence, botulisme, flatulence, fientes acides) et attire les rats !


Accomplissons donc notre devoir de citoyen et dénonçons à la police

- Qu’on les capture au filet ! Qu’on les euthanasie et qu’on les incinère ! Qu’on les éradique !

tout attroupement suspect de plus de trois pigeons !


Iles Chagos - Diego Garcia


De quel droit du plus fort (un archipel et ses habitants appartient-il à ceux qui s’en emparent ?), le gouvernement britannique a-t-il loué trois îles de l’océan Indien à l’armée américaine ? Et en a-t-il chassé les habitants (même les malades de l’ancienne léproserie ?) et les a-t-il déporté dans les bidonvilles de l’île Maurice ?


Zwartzustersstraat


Le week-end avant.

Un Belge rasta et un Français « d’origine africaine » (toujours dans le coma) ont été tabassés à Bruges par une bande de skinheads.

- Oui, mais ils ne sont quand même pas morts !


La veille.

A Anvers, le mercredi 10 mai 2006, le corps de Mohammed Bouazza a été

- Oui, mais il ne savait pas nager !

retrouvé dans l’Escaut. On n’avait plus de ses nouvelles depuis dix jours, après une « dispute »

- Oui, mais il voulait rentrer dans la boîte !

devant une discothèque. Harcelé

- Oui, mais il voulait draguer nos soeurs !

et poursuivi par plusieurs personnes, il aurait été embarqué dans une voiture de police avant de disparaître.


Le jour même.

Le crâne rasé et de longs cheveux dans la nuque, un pantalon de camouflage et des combat-shoes, une longue veste de cuir noir, Hans Van Themsche bouscule les passants, brandit une arme et la braque sur une femme, assise

- Oui, mais elle portait le voile !

sur un banc public, au Pottenburg, et qui lit un livre au soleil et

- Oui, mais le Coran ou des philosophes français !

lui tire dessus, par derrière, et

- Oui, mais elle me tournait le dos !

la blesse grièvement à la poitrine et

continue sa route, dans le Schipperskwartier, à quelques pas de la Grand-Place d’Anvers, le jeudi 11 mai 2006, peu avant midi (il fait très beau ce jour-là et tout le monde se promène dans les rues), et abat une baby-sitter

- Oui, mais elle était Noire !

enceinte et

- Oui, mais elle allait accoucher d’un enfant noir !

la petite fille blanche de

- Oui, mais elle avait de mauvaises fréquentations !

deux ans et demi dont une famille de

- Oui, mais ce sont sûrement des collabos ! Des gens qui, d'ailleurs, portent un drôle de nom !

commerçants ou de restaurateurs lui avait confié la garde.


Hans Van Themsche ne manifestait pas de signe d’ébriété, ne portait pas de tatouages apparents, n’avait pas de casier judiciaire et

- Oui, mais je suis Blanc !

n’avait aucun lien avec les victimes.


Quatre jours après.

Le « fait divers » d’Anvers ne figure plus parmi les titres du Journal Télévisé de la RTBF du lundi 15 mai 2006 à la mi-journée

- Oui, mais ce n’est plus d’actualité !