dimanche 2 mai 2010

AnaCo 1 - Ils avaient tout prévu

Didier de Lannoy
La vie au taux du jour
Dépêches de l'agence de presse privée Ana et le Congo (AnaCo) - Série 1
Première compil de dépêches (déchaussées, divagantes, yoyotantes) de l’agence de presse privée AnaCo : dépêches (littérature « immédiate », sketches interactifs, croquis à la carte ou dazibaos bringues-zingues-dingues, que sais-je…) dont certaines ont déjà été placardées sur internet ou spammées sur Outlook… dans lesquelles je m’autorise à exercer, en toute liberté, mon droit de citoyen de me mêler de n’importe quoi… et surtout d’ « affaires » dont on m’a bien fait comprendre que je n’y connaissais rien et qu’elles ne me concernaient pas du tout… et que j’avais plutôt intérêt à fermer ma grande gueule.
Nassogne (Badja), Matonge (Bruxelles), 2006-2007
Extraits - En vrac



Sur l'agnace AnaCo, voir aussi:
http://anaco2.blogspot.com/

et
http://anaco3.over-blog.net/

Sur le Congo, voir aussi (notamment):




Ils avaient tout prévu



Dans le quartier

- Le monsieur était une crème d’homme ! La dame était amoureuse de son jardin !

le couple était honorablement connu et, semble-t-il, très apprécié.

Les rideaux de leur chambre, au premier, étaient tirés, les volets des fenêtres du bas étaient fermés et la porte d’entrée verrouillée de l’intérieur.

- C’étaient de très braves gens ! Ils habitaient depuis tellement longtemps dans le quartier !


Ils avaient tout prévu. Les papiers (le titre de propriété de la maison « trois façades »

- Avec un grand jardin ! Il aimait jouer avec son chien et s’occuper du coin potager ! Elle adorait les fleurs !

qu’ils avaient acheté depuis plus de trente ans, les extraits de comptes en banque, le testament olographe) étaient rangés sur la table de même qu’une grande enveloppe contenant de l’argent liquide. Et les clefs et les documents de la voiture (dont ils ne se servaient presque plus depuis des années, qui étaient encore assurée mais dont le « contrôle technique » n’était probablement plus en règle) déposés sur la cheminée.

Pour que les flics, les pompiers, les infirmiers, les assureurs, les curés et la famille aient moins de boulot… et qu’ils ne doivent rien chercher…

Après avoir mis de l’ordre et fait tout le nécessaire, ils avaient pissé et chié pour la dernière fois puis s’étaient toilettés l’un l’autre… Ils s’étaient ensuite rendus dans leur chambre et s’étaient allongés sur le lit. Elle en robe de mariée. Lui en smoking…

Habillés, épilés, maquillés, parfumés, caressés, se tenant par la main, avec des boules Quies dans

- Les morts ne répondent pas quand on frappe à leur porte ?

- On ne frappe pas à la porte des morts, surtout la nuit, quand la clef est encore dans la serrure, que toutes les lampes sont éteintes, que les volets sont fermés et que les rideaux sont tirés !

les oreilles… attendant patiemment le passage du camion poubelle qui devait venir les chercher et les amener au centre de compostage.


Quelques jours auparavant, on les avait encore vus pourtant. Faisant des courses chez Delhaize ou sortant de l’église Sainte-Croix. Ou profitant de quelques rayons de soleil pour enlever des mauvaises herbes dans le jardin. Ou se promenant du côté de l’abbaye de la Cambre ou sur le trottoir, le long des étangs d’Ixelles…


Intrigués de voir les plats préparés, livrés par un traiteur, s’accumuler devant la porte d’entrée

- Ils avaient, certes, tout prévu mais ils avaient quand même négligé quelques petits détails ! C’est comme ça que les meilleurs assassins finissent par se faire attraper !

et le courrier s’entasser dans la boîte aux lettres et le chien du couple errer à l’extérieur, des voisins ont fait le tour de la maison, se sont munis d’un escabeau, ont constaté que la porte d’entrée était bien verrouillée et que les volets du rez-de-chaussée étaient bien fermés et que

- On ne s’est apparemment pas servi d’une échelle qui se serait trouvée au fond du jardin ! Personne ne semble avoir forcé une fenêtre du premier étage qui serait restée entrouverte !

les rideaux des chambres étaient bien tirés et n’ont rien pu voir… et, ne sachant plus quoi faire, ont appelé par téléphone le fils aîné du couple… et le commissariat.


Les policiers

- Ça fait quand même moins d’éclaboussures que des balles qu’on se prend dans le bide ou des lames dans la tronche, non ? C’est beaucoup moins salissant, non ?

et les pompiers ont dû fracturer la porte de la cuisine, au rez-de-chaussée, donnant sur l’arrière, pour pouvoir entrer dans la maison.


Des individus louches, cigarette aux lèvres, avaient-ils été observés, quelques jours avant les faits, postés sur le trottoir d’en face ? Des mégots avaient-ils été ramassés pour une expertise ADN ?

- Mais non !

L’enquête des services de police a conclu à une affaire privée. Intra-familiale. Dispute ou suicide. Les vieux s’étaient-ils entre-flingués ? S’étaient-ils entrelardés de coups de couteau ?

- Mais non !

Il semblerait qu’ils se soient, tout simplement, donné la mort par endormissement progressif facilité par l’absorption de substances médicamenteuses…


Les inspecteurs des compagnies d’assurances se sont très vite énervés et ils en sont presque venus aux mains. Ils ne savaient pas contre qui ils allaient pouvoir se retourner.

Des scellés de la police judiciaire ont été apposés sur la petite grille qui mène au jardin.


Un marin japonais


Un marin japonais de vingt-six ans prend la fuite après avoir écrasé une jeune américaine à San Francisco, base navale japonaise située au nord de Los Angeles, en Californie.

Le coupable sera-t-il interrogé à la base américaine de Mihaïl Kogalniceanu, dans la ville de Constanza, au bord de la mer Noire ?


Donnez-moi quand même quelque chose !


J’étais en train de retirer mon courrier de la boîte aux lettres extérieure lorsqu’un jeune homme, les baskets à l’envers et la casquette posée de travers sur la tête, a surgi d’une cachette (sans doute s’était-il planqué entre deux voitures en stationnement). Il n’a pas prétexté avoir perdu son chat

- Comment s’appelle-t-il ?

- Pom-Garfield !

- Et quel est son nom d’agent secret ?

- Ouchen !

pour pouvoir s’introduire dans ma maison

- Le voleur était un chat ? Il s’est introduit dans la maison en fracturant une boîte aux lettres ? Son meilleur copain était un rat ?

mais, plus banalement, m’a enfoncé, avec une certaine brutalité, le canon d’un révolver dans le dos.

- Donne-moi ton fric !

Je ne me suis pas laissé démonter

- Vous ne voyez pas que je suis encore en vêtement de nuit, jeune homme. Vous vous imaginez peut-être que je trimbale mon portefeuille dans mon peignoir jaune citron ?


Déconcerté, le type s’est angoissé.

- Vite ! Vite ! Ou j’te bute !

Je ne me suis pas énervé et j’ai répliqué sèchement.

- Cesse donc de crier, connard ! Altère ta joie ! Tu fais un cinéma pas possible et tu n’es même pas dans le champ d’une caméra de surveillance ! Ne sois pas si impatient ! Arrête de m’envoyer tes postillons dans la gueule !

Surpris par le tutoiement et la sévérité du ton, le type a changé de discours et s’est mis à pleurnicher. Carrément. Comme un

- Tu peux chialer sur mon épaule, connard, mais fais gaffe à ne pas salir le col de mon peignoir!

môme grondé par un gardien de parc ou un surveillant d’internat.

- S’il vous plaît, monsieur, ne me manquez pas de respect ! Donnez-moi quand même quelque chose !

Bon, je lui ai

- Total respect !

offert un café, je ne pouvais pas faire moins.

- Avec du lait et du sucre ? Avec du pain et du beurre ? Avec de la confiture ou du fromage ?

Et une cigarette.

Mais, ayant constaté que le révolver du junkie n’étant rien d’autre

- On ne joue pas à la guerre avec une poupée !

qu’un jouet d’enfant en plastique noir, je ne lui ai pas offert davantage. Je n’en avais pas la nécessité et je n’en avais pas non plus l’envie. Le petit connard larmoyant commençait à me faire chier.


Maladies professionnelles


Une persilleuse (une grande sauterelle utilisant ses fesses et ses mamelles comme amorces pour ferrer les vieux mérous) souffrait de diverses maladies professionnelles :

cancer des lèvres et de l’anus

acouphènes, fragances d’huile de moteur et de caoutchouc brûlé, bouffées de chaleur, pertes de mémoire, aigreurs d’estomac, mauvaise haleine, troubles respiratoires et problèmes de vision (résultant d’un environnement sonore et d’un éclairage inadéquats et aussi d’un système d’aération laissant à désirer)

problèmes psychiques (somatisation, dépressions, troubles de la concentration, délires mystiques) et stress imputables à des causes diverses (embarras financiers et amendes impayées) (exigences de rentabilité, fluctuations du marché et manque d’autonomie dans la prise de décision), fracture de l’âme

jambes lourdes et fatiguées, prise de poids, articulations rouillées et

- Les genoux commencent à chauffer !

douleurs lombaires et troubles musculo-squelettiques dus à une position assise prolongée (scotchée à un tabouret de bar ou exposée dans une vitrine

- Quand on bipe le micheton en exhibant sa chatte !

de la rue d’Aerschot) ou aux effets secondaires sur les os, ligaments

- On ressent une violente douleur à l’arrière de la cuisse au moment de la conclusion et du sprint final !

et tissus mous, des coups de reins et de mouvements de piston et de bielle, répétitifs, incommodes et/ou contraignants


Finalement, une PPP (pierreuse, pipeuse et persilleuse) a dû renoncer à sa carrière d’éducatrice et de sparring partner en raison de problèmes récurrents aux genoux et

- Sur un coup de foudre !

s’est résolue à apprendre le métier de bouchère-charcutière.


Plumes d’Autriche


Trente et un octobre dix-neuf cent dix-huit. Dans moins de quinze jours, la Première Guerre mondiale sera terminée. Dans la boue, le sang, la ferraille, le foutre, la merde, la pisse et le vomi.

Et c’est ce moment-là qu’Egon Schiele, le fils du chef de gare

- Au lieu de dessiner des modèles professionnels (des personnes, pour le reste, parfaitement respectables !) au fusain, en noir et blanc, pendant la journée et pas plus de deux heures et de quatre matinées par semaine à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, Egon Schiele passait ses nuits à peindre des êtres grimaçants, anguleux, ravagés, torsadés, bigarrés et sexués qu’il ramassait dans les mangeoires et les abreuvoirs ?

choisit pour mourir. Gazé par la grippe aviaire, le con ?

Trois jours après Edith Harms, sa deuxième épouse (celle qui avait pris la place de Valérie Neuziel, dite Wally). Et l’enfant qu’ils attendaient.

Ainsi donc Egon Schiele aura-t-il vécu vingt-huit ans.

Et sa deuxième épouse et lui-même ne seront pas veufs l’un de l’autre. Et leur enfant ne sera jamais orphelin.

- A quoi donc cela sert-il d’avoir été exempté d’enrôlement (en ce temps-là, on ne permettait pas aux tartouilleurs de dessins lubriques de mourir pour la patrie ?) si on doit quand même crever comme une ordure, presque à la même date et aux mêmes heures qu’un troufion ordinaire ?

Mais qu’est devenue Wally ?


Wolfgang Amadeus Mozart, musicien bien établi, avait fini par décrocher un boulot de premier violon à la Cour de Salzbourg (à cette époque, l’Office des domestiques du prince-archevêque recrutait de très nombreux larbins: des sommeliers, des entremetteurs, des cochers et des postillons, des castrats, des organistes et des clavecinistes, des sbires et des barbouzes, des architectes de monuments funéraires, des paysagistes, des pépiniéristes, des avocats et des solliciteurs, des valets de chambre, des fournisseurs de petites boules en chocolat fourrées au massepain, des joueurs de cartes, des exorcistes et des illusionnistes, des directeurs de conscience, des gigolos et des maquerelles, des rhéteurs, des modistes et des

- Sans poils ?

- Ni au menton, ni sous les bras, ni même au sexe !

mannequins, des poètes et des lécheurs de raies, des cireurs de chaussures, des videurs de vases de nuit, des dentellières, des fauconniers, des creuseurs de latrines, des glaciers italiens, des philosophes et des amuseurs, des colosses chargés du service d’ordre, des revendeurs de calèches d’occasion, des astrologues et des astronomes, des cartomanciens et des voyantes habiles à deviner le passé des gens et à leur inventer une destinée, des laquais, des lavandiers, des historiens et des journalistes, des nourrices, des guérisseurs et des médecins, des saltimbanques, des indicateurs et des fonctionnaires de police, des coiffeuses et des maquilleuses, des gardes-forestiers, des ramasseurs de balles, des cuisiniers et des pâtissiers, des précepteurs

- Les professeurs venaient à demeure ! Ils mangeaient à la cuisine, avec les domestiques !

des rabatteurs de gibier, des pharmaciens, des parfumeurs et des empoisonneuses, des maîtres-jardiniers, des chirurgiens, des travestis, des dealers d’opium, des portraitistes et des aquarellistes, des saigneurs de cochon, des écrivains publics, des arracheurs de dents, des palefreniers, des âniers et des portefaix, des couturières, des sentinelles, des perruquiers enfarinés, des poudreurs de joues et des matifieurs de nez, des gitons et des gourgandines) au service des friqués et des puissants…

Tandis que Wolfgang Amadeus Mozart, jouvenceau tardif, pianotait et

- Préférez-vous Chopin à Thelonious Monk ?

- Moi, je préfère Madonna ! Et Mylène Farmer !

jouait de la main droite (côté public) et

se masturbait de la main gauche (côté rideau) et

trépignait de rage et

ne permettait à personne

- Sinon je lâche un pet !

d’ouvrir les lettres nocturnes (les lisant et y répondant en cachette, sous la couette et sous les draps, à la lumière d’une lampe torche) qu’il recevait de « la Bäsle », sa cousine d’Augsbourg, et tandis que Wolfgang Amadeus Mozart, gracieux choupinet, reprochait aux journalistes de la presse « pipole » de raconter dans tous les salons, fumoirs, boudoirs, jardins, cuisines et confessionnaux qu’il s’était fait méchamment jeter par Aloysa dont il avait dû se résigner à séduire, embourgeoiser et fertiliser la sœur cadette, invendue du marché de l’amour.

Tandis que Wolfgang Amadeus Mozart, pervers précoce

abandonnait ses jeux et

quittait le pouf sur lequel il était assis et

rampait sous le piano et

se glissait sous les robes parfumées des comtesses et des marquises et

se réchauffait les joues entre les cuisses obligeantes de Madonna et les seins prévenants de Mylène Farmer et

s’étourdissait de leurs odeurs moites et faisandées

- Qu’est-ce que tu as mon petit, tu as mal à la tête ?

comme on renifle de la colle dans les ruelles de Karachi, de Bogota ou de Rio et

tripotait les piercings miraculeux et les scapulaires d’amour qu’elles cachaient dans leur string


En état d’érection permanente, le pénis de Mozart présentait des signes de dessèchement et était régulièrement

- Sans effet !

badigeonné de pommade… Afin d’éviter tout excitation inutile, Mozart a dû être éloigné des jeunes personnes qui le soignaient… et par lesquelles il se laissait trop volontiers caresser…


Tandis que Wolfgang Amadeus Mozart, trépassé hâtif, se retrouve aujourd’hui expurgé, normalisé, moralisé, régularisé. Et qu’il devient un objet de culte dont les précepteurs compassés louent les vertus paragoniennes et que les moralistes grimaciers proposent en modèle d’excellence. Et qu’il devient aussi un gadget de commerce (une casquette, un t-shirt, une chope, un jeu de cartes, une barboteuse, une balle de golf) que les boutiquiers de souvenirs proposent aux touristes, amateurs de bière et de musique, visitant Vienne ou Salzbourg en 2006.


2006, l’Autriche invite.

Après avoir gommé de sa mémoire le souvenir d’Arthur Seyss-Inquart, d’Ernst Kaltenbrunner, de Kurt Waldheim et de Jörg Haider, l’Autriche ose à nouveau se regarder dans le miroir et

se trouve belle et

met sur le marché le 250e anniversaire de la naissance de Mozart (né trente-cinq ans avant sa mort) à Salzbourg et

organise une grande rétrospective « Egon Schiele » (né vingt-huit ans avant sa mort) à l’Albertina de Vienne

- Vous pouvez même vous y rendre « moins cher » par Ryanair ! Et Jetair vous emmène à Salzbourg via Vienne (Austrian Airlines) et vous propose un choix de cinq hôtels de grand standing (avec une pleine lune et des myriades d’étoiles) bénéficiant d’une situation centrale !

Ah, l’Autriiiche…


On l’appelait « la Manta »


Dans le quartier, on l’appelait « la Manta ».

Elle avait l’habitude de s’accoupler

- Des transactions sexuelles rondement menées !

bruyamment à des mâles de passage (en les griffant, en les mordant, en les insultant, en les haïssant) et de les recracher ensuite.

Et voilà qu’un beau jour, au petit matin, la tête encore lourde, avec un arrière-goût de sperme rance dans la bouche, elle

- Oh ! Comme c’est déconcertant de voir quelqu’un se vider de tout son sang !

s’est mise à étrangler, suriner, égorger, éventrer et saigner, comme un cochon, le lièvre d’une seule nuit qu’elle

- Quand je viens ici, c’est pour draguer ! Et lorsque j’ai bu mes trois Leffe, c’est parti, je ne peux plus me retenir ! Je suis comme une danseuse de boîte à musique, j’ai besoin d’un mec pour me remonter la mécanique !

s’était levé

- Tu sors sans laisse et sans muselière ? Tu es un homme libre ? Tu es marié et tu as des enfants ?

la veille au soir, dans un bar du centre-ville, en lui faisant remarquer que la couleur ses escarpins était assortie avec

- Tu veux voir ?

celle de son soutien-gorge et avec

- Tu veux voir ?

celle de sa petite culotte et avec

- Tu veux voir ?

celle de son canapé et avec

- Tu veux voir ?

celle de ses draps de lit et avec

- Tu veux voir ?

celle des poils de son pubis et avec

- Tu veux voir ça aussi ?

celle de son bidet, de sa serviette de bain et de ses rideaux de douche et en lui posant

- As-tu déjà visité le château de Schonbrunn en juillet 2001 ? Et déjà lutiné une femme à Stockholm, dans un « Ice kube bar » en novembre 2003 ? Je t’amène voyager dans l’espace et dans le temps ? Accepterais-tu qu’un femme habillée d’une demi-paire de boucles d’oreilles en diamants t’embrasse sur le ventre avec l’accent jamaïquain ?

quelques questions déconcertantes.

- J’ai eu beaucoup d’amants dans ma vie. Je peux me le permettre car j’ai un cœur qui bat très lentement ! Et je ne laisse jamais les hommes indifférents ! Surtout s’ils sont mariés et qu’ils ont des enfants !


Au petit matin, alors qu’il dormait encore profondément, bouche entrouverte, la Manta s’est assise, à croupetons, sur la tête du bonhomme et lui a pissé dans la gueule. Puis elle a enfoncé sa lame dans le cou de l’individu et lui a tranché la gorge. Puis elle a coupé les couilles du citoyen et l’a vidé de ses tripes. Parce qu’elle

- Une bite dégueulasse ! Une dégueulbite ! Puante et boutonneuse ! Aussi poisseuse que la lunette d’une chiotte de lycée ! Quand on sait tout ce qu’on peut se choper dans des latrines !

avait été contrainte de sucer sans capote le lézard du guignol. Et parce qu’il

lui avait brouté le minou et que le monsieur l’avait forcée, pénétrée, envahie, traversée et approfondie et que la Manta s’était totalement abandonnée et qu’elle

- Il m’a mis la honte !

avait perdu tout contrôle d’elle-même et que la Manta n’avait pu se retenir et qu’il

- Salope !

avait entendu la Manta feuler et qu’il

- Lèche !

s’était brusquement retiré et s’était permis d’éjaculer sur les lèvres et le menton de la Manta et qu’il

- Bois ! J’te dis de boire ! Bois directement au robinet, quoi !

avait obligé la Manta à avaler son foutre et que le chrétien avait achevé de se décharger entre les seins de la Manta et qu’elle

- C’était comme si on me versait de l’huile de vidange ou de déboucheur de gogues sur la poitrine !

en tremblait encore de rage et d’humiliation.

On l’appelait « la Manta ».

Elle recrutait ses amants sans distinction de religion ou de conviction philosophique, de classe ou d’origine sociale, de langue ou de race, d’orientation sexuelle ou de formation intellectuelle.