dimanche 2 mai 2010

AnaCo 1 - Un pays creusé

Didier de Lannoy
La vie au taux du jour
Dépêches de l'agence de presse privée Ana et le Congo (AnaCo) - Série 1
Première compil de dépêches (déchaussées, divagantes, yoyotantes) de l’agence de presse privée AnaCo : dépêches (littérature « immédiate », sketches interactifs, croquis à la carte ou dazibaos bringues-zingues-dingues, que sais-je…) dont certaines ont déjà été placardées sur internet ou spammées sur Outlook… dans lesquelles je m’autorise à exercer, en toute liberté, mon droit de citoyen de me mêler de n’importe quoi… et surtout d’ « affaires » dont on m’a bien fait comprendre que je n’y connaissais rien et qu’elles ne me concernaient pas du tout… et que j’avais plutôt intérêt à fermer ma grande gueule.
Nassogne (Badja), Matonge (Bruxelles), 2006-2007
Extraits - En vrac



Sur l'agnace AnaCo, voir aussi:
http://anaco2.blogspot.com/

et
http://anaco3.over-blog.net/

Sur le Congo, voir aussi (notamment):



Un pays creusé


Deux creuseurs

- Des enfants sont utilisés pour « faire l’attaque » ! Leur boulot c’est de creuser un trou de deux à cinq mètres de profondeur dans le sol ! Puis viennent des garçons plus âgés qui agrandissent le trou ! Et, ensuite, s’amènent les vrais creuseurs qui recherchent les minerais avec leurs pelles et leurs pioches !

clandestins ont été victimes d’un éboulement de terrain dans la mine de diamant de Kalombela à Dimbelenge (Kasaï-Occidental). Un jeune homme est mort dans une mine souterraine de wolframite (abandonnée et dont l’exploitation était, en principe, interdite) à Kailo, à 72 km de Kindu. A Kisela, village fréquenté par des exploitants miniers, une drague travaillant sur la rivière Tshikapa s’est renversée et trois plongeurs ont disparu (deux corps ont été découverts en aval du lieu de l’accident mais le corps du troisième plongeur est demeuré introuvable). Quatre autres creuseurs sont décédés dans une mine d’or à Mabanga (à 30 km au nord de Bunia), asphyxiés par la fumée de quinze motos-pompes servant à évacuer l’eau (au fond d’un puits de soixante mètres de profondeur). Une femme, la trentaine révolue et mère de trois enfants, a été tuée dans un éboulement survenu alors qu’elle extrayait du sable et des cailloux à proximité de la rivière Ngonza, dans le quartier Plateaux, communément appelé Kananga II.


Trois creuseurs sont morts dans la mine de Kalukuluku, anciennement appelée carrière de l’Etoile, dans la banlieue Est de Lubumbashi, coincés dans des galeries souterraines à la suite d’un éboulement. Puis quatre autres encore. Treize creuseurs ont pu être sauvés par leurs camarades. D’autres creuseurs seraient encore coincés dans les galeries souterraines. Les responsables de la société Chemaf, société minière indienne ayant racheté à la Gécamines la concession abandonnée de Kalukuluku, auraient pris prétexte de cette catastrophe pour interdire l’accès des creuseurs à sa concession, dynamiter les galeries dans lesquelles ceux-ci s’aventuraient pour extraire les minerais et faire baisser (le prix payé aux creuseurs passant, pour cinquante kilos de minerais, de dix mille francs congolais à quatre mille francs congolais) le prix du kilo d’hétérogénite, un amalgame de minerais de cuivre et de cobalt. Des milliers d’ « exploitants miniers artisanaux » se sont alors rassemblés sur la place du marché zambien. La garde industrielle de l’entreprise a encerclé la carrière et empêché les creuseurs de se rendre à leur lieu de travail. Manifestant leur mécontentement, les creuseurs ont brûlé des pneus et barricadé la route, empêchant toute circulation. La police est intervenue pour disperser les manifestants. Les creuseurs ont lancé des pierres sur les policiers. Quatre agents de l’ordre ont été blessés. Trois véhicules de la police et un véhicule d’une chaîne de télévision locale ont été endommagés. Une vingtaine de creuseurs ont été arrêtés et une partie du marché zambien incendiée. Mais les camions, chargés de tonnes d’hétérogénite, continuent de quitter Lubumbashi en direction de la Tanzanie (vers l’Inde et la Chine ?), de la Zambie, du Zimbabwe et de l’Afrique du Sud (vers l’Europe et l’Amérique ?).

Les travailleurs de la Societé minière de Bakwanga (Miba), à Mbuji-Mayi, ont manifesté devant le siège de l’entreprise et

- Ce n’est pas normal ! Nos familles doivent manger ! Nos enfants doivent étudier !

se sont mis en grève pour obtenir le paiement de leurs arriérés (quatre mois d’arriérés de salaire) (trente-trois mois d’arriérés de vivres).


Les vigiles d’Anvil Mining Limited (à qui la Banque Mondiale accorde sa garantie) ont expulsé les « creuseurs illégaux » d’un site d’exploitation du cuivre de Kolwezi dont la société venait d’obtenir la concession. Un creuseur a été jeté dans un trou d'eau et s’y est noyé. Les creuseurs ont mis le feu à l’aide de bidons d’essence au guest-house de la compagnie sur l’avenue Lubembo au quartier Mutoshi dans la commune de Manika (un cuisinier et un agent de sécurité, qui s’étaient cachés dans le plafond par peur d’être molestés, sont morts calcinés).


Deux « suicidaires » (des déserteurs ou des désoeuvrés, creuseurs de diamant fortement armés, qui défient et affrontent les policiers des mines et les gardes miniers, mais s’en prennent aussi à la population et à ses biens), ont été brûlés vifs par les habitants du quartier Lubilanji, communément appelé Quartier Kasamayi, dans la commune de la Kanshi à Mbuji-Mayi. Un homme (habitant le quartier Nkolomoni, dans la commune de Kikula) a trouvé la mort au cours d’une bataille rangée entre les creuseurs et les éléments de la garde industrielle de la Gecamines, à la carrière de Luisha située à 45 km à l’Est de Likasi, dans le territoire de Kambove.


Des indices de présence de Kimberlite ont été découverts à Demba par une équipe des experts de la société De Beers en mission de prospection dans la province de Kasaï-Occidental. L’implantation de la géante sud-africaine contribuera substantiellement

- Par la création d’emplois de mineurs ? Et de creuseurs clandestins ? Et de tamiseurs et de laveurs de pierres ? Et de vigiles et de gardes industriels ? Et de chauffeurs de camions ? Et de suicidaires ?

au développement de cette province. A Mutoshi, agglomération située à huit kilomètres de la ville de Kolwezi, des avenues ont totalement disparu et une centaine de maisons ont été détruites par leurs propriétaires suite à la découverte d’hétérogénite dans le sous-sol de la cité.


Ça s’est passé (et ça se passe encore) au Congo.

Un pays creusé, un pays pillé.


Aimer dangereusement


Gabriel sort par la fenêtre de la chambre de la plus jeune et jolie fille du quartier, sur Ethiopie, près de Kanda-Kanda, qu’il convoitait depuis tellement longtemps

- Je l’ai vu ! Il a sauté le mur de la parcelle…Il a pénétré par effraction dans la maison (en relevant, avec un canif, le clou qui, de l’intérieur, fermait la porte de la cuisine)… Il s’est alors glissé dans la chambre de la citoyenne… Il lui a ouvert les jambes et a libéré ses canards sauvages…

- Il n’a peur de rien…C’est lui seul que j’aime !

tandis que le papa nourricier

- Moyibi ! Kanga ye !

émeute toute la rue en criant « au voleur ».


Ils ont enfin réussi à s'enfuir


Adam et

- Enfin libres !

Eve ont prétexté un besoin urgent et

se sont échappés par la fenêtre des toilettes et

se sont engouffrés en marche arrière dans un ascenseur et

ont (escaladé les 374 marches de l’escalier de la Montagne de Bueren, sauté dans un tram qui passait en bord de mer, traversé l’océan Pacifique à la nage, creusé un tunnel sous les Andes) enfin réussi à s’enfuir du Paradis Terrestre (ou du musée de Tervuren ou de la base de Guantanamo ou des Folies Bergères ou du Jardin d’acclimatation du Bois de Boulogne ou du musée d’histoire naturelle de Banyoles ou d’un parc naturel de la province du Trentin) et à rejoindre les plages de l’île des Mimosas et

à gagner les hauteurs (chaque fois qu’une voiture du CNPP passait, ils se planquaient dans les fossés) de Kisenso ou de Kasangulu et

à s’installer comme pirates indépendants dans la forêt domaniale de Saint-Hubert.

Ou dans la forêt de Nindja, au Sud-Kivu.


Mais peut-être Adam et Eve ont-ils été transférés dans des avions secrets (faisant escale en Pologne, en Roumanie, en Belgique, en Ethiopie ou au Maroc) ? Et ont-ils été torturés (on a obligé Adam à se tenir pieds nus sur le tranchant d’une pelle et on a joué au ping-pong avec ses testicules, on a serré une corde autour de la tête d’Eve et on l’a obligée à couver des œufs bouillants sous ses aisselles), par des « anges spéciaux » à la base américaine de Mihaïl Kogalniceanu, dans la ville de Constanza, au bord de la mer Noire ?

Et peut-être ont-ils été noyés dans une baignoire et suicidés ?

Et peut-être leurs corps ont-ils été incinérés, clandestinement, dans la ville de Feu, au sixième cercle

- Les gens qui vont au ciel, on les oublie tout de suite ! Ceux qui vont en enfer, on s’en souvient toujours !

de l’enfer ?


On dit pourtant que Dieu (armé d’un fusil hypodermique muni de seringues anesthésiques) est très énervé et qu’il recherche

- Tous les endroits où ils ont séjourné ont été découverts ! Mais ils restent introuvables !

partout les hérésiarques. Et qu’il est accompagné de chiens renifleurs à qui

- Les odeurs s’évaporent trop vite !

les grosses chaleurs

- On entend les voisins jouer aux cartes, regarder la télévision, s’engueuler et se troncher ! Ça les perturbe !

font perdre une bonne partie de leur flair.

Sans compter, évidemment, que les dissidents et les réfractaires avaient pris la sage précaution de se tailler

- Des pipeaux ou des appeaux !

des défenses anti-chiens basées sur des ultrasons


Par la fenêtre du sixième étage de l’hôpital


Un type s’est suicidé.

Quelques personnes

- D’abord, ils lui ont jeté des cailloux pour voir s’il était encore vivant. Puis ils se sont rapprochés et l’ont retourné à l’aide d’une longue perche pour voir s’il n’était pas piégé.

ont venues identifier le corps. Mais il leur a d’abord fallu s’habiller. Une coiffe pour les cheveux, des couvre-chaussures, un grand tablier blanc. Un agent désinfecteur leur a donné ses instructions

- N’oubliez pas de vous désinfecter les mains !

avant de les laisser pénétrer dans le sas menant à la morgue.

Le bonhomme s’est jeté par la fenêtre du sixième étage de l’hôpital où il recevait des soins. Il se croyait définitivement

- Jugé à huis-clos par un tribunal de juges militaires encagoulés ! Mis en cause par des témoins dissimulés derrière un rideau !

condamné (sinistre total, perte irréparable, longue et pénible maladie, affection des siens) et pensait que ses médecins ne lui donnaient plus que quelques heures à vivre.

Et voilà, à présent, qu’on prétend qu’il avait tort, l’impatient ! Et qu’il s’est tué pour un simple problème de durite, l’empressé !

Alors qu’il disposait encore d’importantes réserves (des joues gonflées, un ventre bourrelé de graisse, des fesses pleines de cellulite, des cuisses empâtées et un estomac ballonné) qui auraient normalement dû lui permettre de tenir le coup pendant deux ou trois jours de plus …

Mawa vraiment !