dimanche 2 mai 2010

AnaCo 1 - Réduite à l'état laïc

Didier de Lannoy
La vie au taux du jour
Dépêches de l'agence de presse privée Ana et le Congo (AnaCo) - Série 1
Première compil de dépêches (déchaussées, divagantes, yoyotantes) de l’agence de presse privée AnaCo : dépêches (littérature « immédiate », sketches interactifs, croquis à la carte ou dazibaos bringues-zingues-dingues, que sais-je…) dont certaines ont déjà été placardées sur internet ou spammées sur Outlook… dans lesquelles je m’autorise à exercer, en toute liberté, mon droit de citoyen de me mêler de n’importe quoi… et surtout d’ « affaires » dont on m’a bien fait comprendre que je n’y connaissais rien et qu’elles ne me concernaient pas du tout… et que j’avais plutôt intérêt à fermer ma grande gueule.
Nassogne (Badja), Matonge (Bruxelles), 2006-2007
Extraits - En vrac



Sur l'agnace AnaCo, voir aussi:
http://anaco2.blogspot.com/

et
http://anaco3.over-blog.net/

Sur le Congo, voir aussi (notamment):




Réduite à l’état laïc


Acclamée, crainte et vénérée par tous les habitants, la Veuve-Mère, apparaît au balcon, brandissant fièrement, comme un étendard volé à l’ennemi, un drap ensanglanté

- Notre race est saine ! Notre espèce est sauve ! Le Lys d’or, notre petit prince, sait déjà y « faire » ! Il a fait ses preuves ! Il n’est plus trop jeune pour régner ?

- Hourrah ! Que le petit prince se montre donc ! Que le bon peuple puisse le complimenter !

- Pas tout de suite, bon peuple ! Laissons d’abord le Lys d’or, notre cher enfant se remettre de ses émotions ! Qu’il se repose et reprenne quelques forces.

et annonce au royaume et au monde que Lys d’or, le fils aîné de la maison régnante, aux petites heures de l’aube, après une veillée de prières, a réussi à défoncer, dérouiller, déchirer, déflorer, dévierger


Les princes charmants sont tous de foutus menteurs. Devant la commission d’enquête internationale qui

- Vous êtes-vous allongés sur la même couche ? Avez-vous mélangé vos corps ? Votre accouplement s’est-il passé normalement ?

l’interroge à ce propos, le Prince ment effrontément et conteste formellement que sa responsabilité puisse être engagée dans cette triste histoire.

- Vierge, mon cul ! Elle vient me rendre visite au début de chaque mois, quand elle est sûre que j’ai touché ma paie ! Toute propre, toute parfumée ! Et chaque fois, on passe la nuit ensemble !


une jeune et jolie novice, une vierge à usage unique, une seringue jetable (tout le monde pouvait l’entendre se lamenter dans les couloirs et

- Il a brisé les carreaux de la fenêtre du rez-de-chaussée, arraché les fils de la sonnette d’entrée et défoncé la porte de ma chambre à coucher ! Comment me refaire une virginité ? Où obtenir ou acheter un certificat prénuptial ? Qui me reconstruira l’hymen ? Va-t-il falloir que je le suture, le resoude ou le recouse, moi-même, en cachette, la nuit, en vitesse, à la lumière d’une lampe à pétrole, deux semaines après la naissance de mon petit Jésus ?

sangloter dans les cuisines) qui avait été, dans une ambiance toxico-festive, cuitée

- Pucelle à Orléans mais pute à Paris ! Elle n’a pas dit non, donc elle a consenti !

au vin de messe, parfumée à l’encens, coiffée, manicurée, lubrifiée à grand renfort de chrêmes et des baumes et de graisses en tout genre (très saintes saintes, huile de bain au jasmin, palm oil « zomi », vaseline, beurre et margarine) et basculée, dans un état vaseux, presque comateux, dans la couche d’un minet morveux par un chapelain vicelard, indigne favori et confesseur-amant de la Veuve-Mère, qui avait mis son expertise diabolique au service du pouvoir en place


Quelques semaines auparavant, un dimanche, après le dernier office du soir, le noviciat du couvent des sœurs franciscaines (quartier Lukelenge, commune de Dibindi, ville de Mbuji-Mayi), avait été mis à sac par une dizaine d’hommes armés de fusils de guerre et d’armes blanches. La sœur responsable avait été copieusement tabassée.

Une jeune

- Elle n’avait pas vingt ans ! Elle ne savait pas ce qui l’attendait !

nonne avait profité de l’incident pour quitter précipitamment le couvent et abandonner sa vocation. Elle avait fui la guerre et ses péchés mortels.


Arrêtée dans la rue, fouettée, dépouillée, ayant dû passer plusieurs nuits à la belle étoile ou dans des églises de fortune, elle s’est finalement réfugiée (sans vêtements de rechange, sans argent, sans nourriture, portant un matelas sur le dos) à Kinshasa. Elle y a été « encadrée » par une association de femmes chrétiennes de Masina Petro-Congo qui lui a trouvé une place

- Chez des Blancs !

« au pair » chez la veuve d’un développeur-mondialisateur-moralisateur de la coopération internationale. On lui a promis le gîte et le couvert. On s’était engagé à assurer sa protection.

Et, effectivement, on lui avait confié la charge du boyesse-esclave et compagne de jeux

- Qu’il se change les idées en jouant avec une vierge !

du jeune prince (celui qui doit toujours perdre aux cartes, celui qui doit toujours s’accuser

- S’il te plaît, sois gentille, fais-moi exploser un avion au départ de l’aéroport de Charleroi !

d’avoir fait une bêtise) qui venait d’être victime d’un accident de chasse (celui qui doit toujours recevoir les balles destinées à son maître)

- Tout ce qu’il te demandera, tu le feras. N’importe quand. N’importe où. Dans toutes les positions.

Il lui était interdit de porter de petite culotte sous son pagne (un seul pagne !) et se rendait bien compte qu’elle devait abandonner ses espoirs de vie meilleure (devenir figurante de cinéma, chanteuse ou mannequin) et que, à dix-huit ans, sa vie était déjà finie.

Et qu’elle allait, d’ici peu, se retrouver, comme toutes les bonnes et cuisinières, mères de bâtards de la plantation, courbée

- Immigrée ! Criminelle ! Terroriste !

sur un champ de manioc ou de haricots ou assise derrière une bassine de beignets.à

- Mais qu’attendent Bourvil, Alain Brezault de Bergerac, Jean Marais et d’Artagnan pour agir ? Et Athos, Porthos et Aramis ? Et le fier Artaban ?

moins qu’elle ne se mette à conspirer pour amener son bâtard jusqu’au trône.



L’homme qui n’avait pas de nombril


Jésus (dont le téléphone cellulaire reste toujours allumé, même pendant le week-end et les vacances) dealait et surveillait ses gagneuses dans les jardins de Gethsémani, au square des Oliviers (où chaque matin on ramassait les cadavres des drogués de la nuit passée), au parc de la Révolution, au stade des Martyrs, au croisement des avenues Sendwe et Luambo Makiadi (ex-Bokassa) dans la commune de Kinshasa, au coin de la rue de la Paix et du Couloir de la Mort dans la commune d’Ixelles ou à l’angle des rues d’Aerschot et de Quatrecht, dans la commune de Saint-Josse.

Avec toute sa bande.

Avec des

- S’ils aiment fourrager dans les sous-vêtements des femmes, c’est parce qu’elles y cachent le pognon de leurs hommes ! Une partie dans le soutien-gorge et l’autre dans le slip ! Mais ce ne sont absolument pas des obsédés sexuels !

macs et de petites frappes du quartier.

- Les keums accostent un passant, lui demandent une cigarette, le menacent d’une hachette, lui plantent une seringue dans les fesses et exigent tout le paquet, le portefeuille et le téléphone portable !

Avec des travestis brésiliens et des chameaux mongols et des putes russes (s’empiffrant de frites, de hamburgers et de pitas sur les trottoirs mais

- Mais qu’est-ce qu’elles bouffent ces poufiasses ai lieu d’aller bosser ! Si mes filles continuent de se goinfrer et de prendre des kilos, elles ressembleront bientôt à des flics de Bruxelles ! Et mes clients n’en voudront plus et je devrai baisser mes prix !

ne dormant jamais dans le lit où elles travaillent) ou chinoises (arpentant les trottoirs de Belleville et ne se raclant pas la gorge en public) et même un poisson olmèque ou un insecte moldave qui, tous, prétendaient avoir un jour posé dans Play-boy.

Avec saint Jean et

- Yehuda, le tombeur ou le fils de Yeshua ?

saint Judas. Il les tenait tous les deux par la main. C’étaient ses meilleurs potes, ses disciples les plus fidèles. Chacun était l’auteur d’un bouquin sur la vie du grand chef tribal sunnite et chacun espérait gagner le prix Pulitzer, devenir un succès d’édition et se faire plein de pognon.

Jésus, l’homme sans nombril, était à poil sous sa djellaba. Ce Gaulois musulman ne savait pas encore laquelle de ses ouailles il allait se farcir en premier.

Il ne savait pas encore. Il se tâtait. Il hésitait.

En ce temps-là, Jésus n’était pas encore un Italien. Ni un Polonais ivre troublant la quiétude

- Quelle quiétude ?

de la place Lieds à Schaerbeek. Ni même un Yankee du Texas.

Etait-il Juif ou Palestinien ?

Il ne savait pas encore. Il se tâtait encore. Il hésitait encore. Il n’avait pas

- Qu’on jette un brique à travers le pare-brise de sa Cadillac rose-verte de dealer et de maquereau !

encore pris position, choisi son camp, fixé sa destinée.


Des soldats s’ennuient


Postés à un carrefour-calvaire, surveillants les point d’eau, embusqués sous un arbre pour se protéger du soleil ou de la pluie, des soldats s’ennuient.

Ils surgissent de leur abri, l’arme au poing, interpellent les passants

- Il faut payer pour se promener sur la route ! Il faut payer pour s’asseoir à l’ombre ! Il faut payer pour cueillir des fleurs ! Il faut payer pour boire l’eau de la fontaine ! Il faut payer pour répondre aux questions ! Il faut payer pour se taire ! Il faut payer pour pleurer !

prennent plaisir à terroriser les enfants (qui, complaisamment, sanglotent) le vétérinaire, le rebouteux, les mauvais esprits, le vicaire, le garde-champêtreet le clerc du notaire…

Ils s’ennuient et incendient un tas de vieux pneus.

Les flammes, attisées par un vent violent, se propagent à plusieurs meules de foin et, rapidement, traversent la route et franchissent la rivière. Lorsque le brasier commence à s’approcher des troupeaux, un jeune taureau, très impulsif

- Peut-être cherche-t-il à se faire valoir devant ces dames ?

chaaarrrge l’incendie… et se met à roussir sur pied (les sabots cramés, la queue brûlée, les cornes en feu)… et les joyeuses groupies qui l’aiguillonnent et l’applaudissent deviennent complètement folles. Elles ruent, paniquent, défoncent les clôtures et s’enfuient en galopant, embrasant toute la plaine.

Des moutons (en chapelet) (grain à grain) se jettent dans un étang piscicole, dans une piscine ou dans un puits

ou dans la rivière Bitshaku-Tshaku, au niveau de la Bralima, dans la commune de Barumbu…

ou dans le lac Kivu où, depuis un certain temps, suite au mauvais fonctionnement de la station de pompage de la Regideso, la population de plusieurs quartiers de la ville de Goma est obligée d’aller puiser de l’eau, à proximité de la « grande plage du peuple » (ainsi baptisée par les pêcheurs de « fretins »).


Le loup (hautain mais

- Le loup tue le coyote mais ne se donne pas la peine de le manger ?

désabusé) regagne les bois et les monts, les prairies et les vaux… délaisse les moutons, guette les caribous.

- Mais que fait donc la police ?

Un cheval cachectique (tractant un corbillard) meurt

- Me serais-je levé de si bonne heure ce matin si j’avais su que j’allais mourir dans la journée ? Je serais bien resté au lit quelques heures de plus !

d’une crise cardiaque.


Les Belges


La Belgique ?

La Belgique est un pays d’ogres et de petits enfants.

La Belgique est aussi peuplée de 1.065.000 chiens, 1.675.000 chats et 1.780.000 autres animaux de compagnie.

- Surtout en Wallonie !

Tous ces gens-là (les ogres et les petits enfants) (les chiens, les chats et les autres animaux de compagnie) (canaris, rats et poissons rouges) mangent, boivent, baisent, chient, dégueulent, ont des convictions. Et quelquefois ils s’entredévorent ou se font manger.

Tous ces gens-là reçoivent des cadeaux pour leur anniversaire ce qui constitue un marché (en sus de ceux de la bouffe, de la litière, de l’amour, des soins de santé, des offices religieux et des pompes funèbres) extrêmement intéressant

Beaucoup de ces Belges-comme-tous-les-autres connaissent néanmoins

- Il faut donc rester vigilants si l’on veut conserver et développer cette clientèle !

d’importants problèmes d’hygiène buccale et des soucis dentaires. Certes, ils se parfument et se toilettent mais ils oublient souvent de se brosser les molauires et les incisives après les repas et de consulter le vétérinaire. D’autres sont victimes d’accidents de la circulation

- Un semi-remorque percute un convoi funéraire ! Le mort meurt une deuxième fois… Mais pas tout seul ! Des proches l’accompagnent ! Alleluiah !

épidémies, enlèvements, inondations (l’eau chlorée des piscines débordant et envahissant les niches et pénétrant par les chatières à l’intérieur des villas et noyant les volières et les aquariums et se déversant dans les galeries du métro), empoisonnements, assassinats si bien que, faute de mesures de prévention efficaces, en quelques années, la population globale de ces ressortissants du royaume est susceptible de diminuer notablement.



Il faut éviter de faire laver son linge chez la blanchisseuse du village


Bonnes résolutions.

Quand je serai en cavale depuis plus de quarante ans (traqué par les flics, le fisc, les exorcistes et les journalistes) (sans même une femme à prendre au lasso) et que je me planquerai dans une bergerie et que me nourrirai de fromages et de chicorées et que je garderai un troupeau de 514 escargots de Bourgogne ou de Sicile

j’éviterai de laisser mon linge sécher la nuit (des démons ou des scorpions gros comme des pinces à spaghettis s’y glisseraient) ou de le faire laver chez la blanchisseuse

- Je suis très fière d’habiter le petit village où se cachait le hors-la-loi qu’ils recherchaient ! J’en ai le cœur qui bat et les yeux qui pleurent ! Personne n’aurait pu imaginer que de tels brigands puissent vivre parmi nous ! Et passer tellement de temps dans nos campagnes si ennuyeuses ! Ce voisinage nous honore tous !

du village.

Je cultiverai mes marguerites, je lirai

- Il en possédait plusieurs ! Toutes annotées ! Elles sont actuellement entre les mains du FBI !

la Sainte Bible, je dormirai dans un lit sans draps et je laverai mes slips et chemises à la main, dans une auge ou un bénitier.

Je distillerai mes alcools moi-même.


Dieu est Dieu


Un Hennuyer crasseux et vociférant

un Limbourgeois rachitique et schizophrène

un Bruxellois ordinaire (naissance à l’hôpital d’Ixelles, baptême à l’église Saint-Croix, communion à l’église de la Sainte-Trinité, mariage à l’église Saint-Boniface), ignare et misérable, tous annoncent à qui veut-veut (et même à ceux qui ne veulent pas) les entendre qu’ils sont

- Tous les trois ?

-Tous les trois, tous des mecs !

Dieu et que Dieu dispose de la bombe Atlantique (et parfois même de la bombe Pacifique !) et que Dieu est en mesure de faire péter sa torpille ou sa charge de plastic à distance (au passage d’un convoi de véhicules militaires transportant des croisés ou des "éléments" d'une bande armée de Guillaume de la Marck en déroute, avec des canons, des mitrailleuses, des fusils, des femmes libres, des chiards, des chèvres, des cochons, des coffres-forts, des paniers de pommes de terre du Kivu, des chaises roulantes du Lion's club de Kinshasa, des statues de la Vierge couvertes d'or, des prie-Dieu réservés avec tiroir, des chariots du Delhaize de la rue de Hennin, des lapins, des poules et des canards) à l’aide d’un téléphone portable ou d’une télécommande et que Dieu

- V’là aut’chose !

est Dieu.


Dieu

- Ça fait longtemps !

la dernière fois qu’on s’est vus, il était en compagnie d’une femme qu’il paraissait

- Ils ont quitté ensemble l’hôtel « La Rivière » à Boma !

bien connaître. La dernière fois qu’on s’est vus, il tenait fermement l’échelle sur laquelle la femme était

- En jupe ! Et je ne suis même pas sûr qu’elle portait une culotte en dessous !

montée pour cueillir des cerises de saison.


Dieu

- Trois en un, tous des mecs !

a finalement été arrêté et condamné pour avoir précipité un planeur à pédales (en provenance de l’aéroport de Saint-Hubert) sur une des tours de refroidissement de la centrale nucléaire de Tihange…


On n’a jamais retrouvé son squelette…

- Une fois sa peine accomplie, le chemineau est-il descendu de sa croix et a-t-il poursuivi sa route ?

si bien qu’il continue de nuire…

Et si Marie avait mis au monde des jumeaux mâles, il y aurait deux calvaires sur le mont Golgotha ?

Le permis d’élever des canards et de semer des radis


Vendredi soir, vers 23 heures, je circule sur la chaussée de Mons, à Anderlecht. Arrivé place Lemmens, je m’arrête, actionne le système d’ouverture automatique de la vitre droite de ma voiture et demande mon chemin à un passant. Ce dernier se penche vers moi, glisse un bras à l’intérieur du véhicule… et s’empare de mon PC et de mon téléphone portable qui j’avais déposés sur le siège avant…

Le gaillard prend aussitôt la fuite. Je bondis hors de ma bagnole (en laissant les portes ouvertes et

- Faut l’faire !

les clés sur le contact) et je me lance courageusement à la poursuite de mon voleur. Un second passant en profite

- Quelle gueule de con je me paie ! A qui pourrais-je raconter une histoire pareille (quelle épouse, quels flics, quel assureur, quels parents, quels amis, quelle maîtresse, quels collègues pourrais-je parvenir à convaincre aisément ?) sans faire rigoler tout le monde ? Même Le Soir n’en voudrait pas dans ses faits divers ?

pour s’installer au volant et s’emparer de la bagnole… dans lequel j’avais laissé ma veste (avec mon portefeuille à l’intérieur et des photos de mes enfants) et un petit sac de voyage.

- Que je me retire le permis de conduire ! Et qu’on m’octroie l’autorisation d’élever des canards et de semer des radis !